De l’Etat de droit à la Wewacratie, le pas est franchi en RDC

Article : De l’Etat de droit à la Wewacratie, le pas est franchi en RDC
Crédit:
25 juin 2020

De l’Etat de droit à la Wewacratie, le pas est franchi en RDC

Cela faisait longtemps que le syndrome de la page blanche me rongeait mais lorsque Kinshasa s’est retrouvée entre casses et klaxons ce 24 juin, à moins d’une semaine du 60ème anniversaire de l’Indépendance de la RDC, l’inspiration m’est vite revenue. Depuis le 25 mai 2019 et l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi à l’issue de la première alternance pacifique, la devise de mon pays a changé de manière implicite. De justice, paix et travail, elle est devenue «Etat de droit». Sauf que dans les faits, la situation rime plutôt avec une «Wewacratie». Voici ma nouvelle confidence de Kin.


J’ai pris le goût de commencer mes billets par une petite définition des mots-clés alors je ne dérogerai pas à cette règle. «Wewacratie» n’est pas encore reconnue pas l’Académie française mais nos «immortels» ont intérêt à s’y pencher. Ce mot valise contient le terme Wewa : nom donné aux taxi-motos à Kinshasa et le suffixe -cratie, du grec kratos, signifiant pouvoir ou autorité. Bref, la Wewacratie est cette nouvelle attitude des Wewas qui se considèrent depuis peu comme des «intouchables» puisqu’étant, pour la plupart, de la même province que le Président de la République. Ils sont même appelés «famille présidentielle».

Des propositions de loi décriées

À chaque occasion, favorable ou non, ils mettent Kinshasa, leur principal bastion, à sang et à feu. En octobre 2019, ils avaient immolé un policier. Mardi 24 et mercredi 25 juin, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Les Wewas ont assiégé le Palais du peuple, siège du Parlement. Tout est parti de trois propositions de Loi émanant du duo Aubin Minaku-Garry Sakata, tous deux élus du FCC, plateforme de l’ancien Président Joseph Kabila. Dans ces lois en gestation, une caporalisation en vue du Parquet. Si elles passent, les Procureurs rendront désormais compte au ministre de la Justice qui se trouve actuellement être un cacique du FCC. Les Wewas ne voient donc pas ces propositions d’un bon œil.

Pour eux, pas question que cette loi ne passe et comme le FCC compte plus de 350 élus, la rue est la seule issue. Malheureusement, dans ce combat plutôt noble, je trouve, ils en ont fait de trop.

Le Palais du peuple, de temple à cimetière de la démocratie

Plusieurs d’entre eux ont escaladé l’enclos pour se retrouver dans l’enceinte même du Palais marchant au passage sur le principe sacré de «l’inviolabilité du parlement» sous le regard impuissant, que dis-je complice, de la Police. D’ailleurs, cette Police n’avait aucune leçon à donner aux manifestants quand on sait qu’il y a peu, elle a appliqué la force pour empêcher la tenue d’une plénière. Anarchie ou démocratie? Je suis perdu moi. Le Palais du peuple, connu pour être le temple de la démocratie voit celle-ci y être enterrée.

Sur place, j’ai réussi à interroger trois Wewas sous des chants assourdissants, notamment le désormais célèbre «Boma député, tika policier» (traduisez : abats le député, préserves le policier). Je dois avouer que ces événements ont également consacré la réconciliation entre le Wewa et la Police, ennemis d’hier.

Wewacratie ou l’art de revendiquer sans comprendre

Mon premier interlocuteur semble ignorer tout de la tête aux pieds. «On nous a juste dit de venir devant le Parlement et commencer à klaxonner contre Kabila, Minaku et leurs lois», m’explique-t-il très motivé. A deux pas de lui, un autre détient une toute autre version: «Kabila veut nommer Minaku Procureur et ça, nous ne le tolérerons jamais». Je pensais avoir tout vu avant que je n’adresse la parole à un troisième. Pourquoi tout ce mouvement?, lui ai-je demandé. «On ne veut pas de leurs lois». Et que disent ces lois? «Je n’en sais rien mais rien de bon ne peut sortir du FCC», me coupe-t-il.

C’est cela toute la quintessence de la Wewacratie, revendiquer sans comprendre. Roosevelt le résumait si bien: «Les petits esprits discutent des gens, les esprits moyens des événements et les grands esprits des idées». La société congolaise dans son abrutissement et sa clochardisation s’est faite chantre des hommes, le système étant inexistant. Et avec l’émergence de la Wewacratie, le pays devient très vite ingouvernable.

C’est aussi ça Kinshasa, et la RDC dans son ensemble, on laisse le mal croître espérant qu’il se transformera en bien par un coup de poker. Et tant qu’on en tire profit, pas question de changer le fusil d’épaule. Il faut que ça cesse.

Dandjes LUYILA

Étiquettes
Partagez

Commentaires