Comment Tshisekedi a driblé le FCC pour marquer le but

Article : Comment Tshisekedi a driblé le FCC pour marquer le but
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22 octobre 2020

Comment Tshisekedi a driblé le FCC pour marquer le but

C’est l’histoire d’un idiot apparent qui se révèle plus malin qu’on ne le croyait. Mercredi 21 octobre, Kinshasa a vécu une ambiance particulière, avec un forcing présidentiel. Sans parlement ni primature, Tshisekedi a organisé le serment de « ses » trois nouveaux juges à la Cour constitutionnelle. Le président, visiblement heureux de son œuvre, est entré dans la salle des Congrès sourire aux lèvres, index et majeur levés en signe de victoire, comme savait bien le faire son père, d’heureuse mémoire. Bien plus qu’un simple événement, la prise de fonction de ce trio marque le tournant d’une coalition qui balbutie depuis ses faibles commencements. Retour sur un but que l’adversaire n’a pas vu venir.

« Le FCC gagne ou gagne ». Cette maxime était une parole d’évangile jusqu’à hier, tellement la machine kabiliste savait prédire, si pas créer l’avenir. De la victoire de Fatshi à la formation du gouvernement, »Shina Rambo » a tout contrôlé, ou presque. Fatshi président, sa marge de manœuvre était considérablement réduite. Entre une majorité parlementaire et judiciaire à la solde de « son partenaire » et un Fayulu attaché à sa « vérité des urnes », le fils du Sphinx s’est trouvé piégé dans le jeu « kabile ». L’éviction de Kabund n’est pas anodine. Par cet acte, le FCC a voulu prouver qu’il est et demeurait le véritable maître du jeu, n’en déplaise à la « base ».

Cependant, coincé, Tshisekedi semble trouvé sa formule: mettre la main sur la justice en plus du soutien populaire. Du procès Kamerhe aux interpellations de Tunda, Ntumba et cie, en passant par la demande de levée des immunités de Thambwe Mwamba, les signaux ne trompaient pas : la République des juges était bien actionnée.

Quand l’ombre de la déchéance se dissipe

Dans cet imbroglio, le Parlement a plusieurs fois frôlé la collision avec le président. Qui ne se souvient pas de l’épisode dissolution vs déchéance au lendemain de la proclamation de l’état d’urgence ? Pour arriver à la mise en accusation du chef de l’Etat, le Parlement doit s’appuyer notamment sur deux préalables : la demande du procureur près la Cour constitutionnelle et le vote de 2/3 des membres du Congrès. Si le second préalable est dans les cordes du FCC, fort de ses près de 350 parlementaires sur les 608, le premier est loin d’être acquis. En effet, nommé en février 2020, Jean Paul Mukolo Nkokesha ne semble pas disposé à livrer Fatshi. Cela n’enchante pas le FCC qui voit là son allié lui glisser entre les doigts.

Toutefois, il restait alors le contrôle de la Haute cour. C’est elle qui est, non seulement le juge pénal du président et du Premier ministre, mais surtout le juge de l’exception d’inconstitutionnalité, soulevée devant ou par une juridiction. Composée de 9 membres, elle ne peut siéger qu’en présence d’au moins 7 (article 90 de la Loi organique portant organisation et fonctionnement de la CC).

Juillet, le mois du tournant

Si jusqu’en juillet, le FCC tenait les clés du pouvoir, tout est allé vite, si vite qu’un mirage s’est produit en seulement trois jours. Le 14 juillet, à l’issue de rumeurs interminables, la Présidence annonce avoir pris acte de la démission du juge Benoît Lwamba, président de la Haute Cour. Au FCC, on ne veut pas croire à cette nouvelle. Des communiqués se succèdent mais l’intéressé, lui, reste muet. La pilule est dure à avaler mais le vin est tiré. Avec un juge de moins, la Haute Cour pouvait légalement continuer à fonctionner.

Sauf que 3 jours plus tard, deux autres de ses membres, Ubulu et Kilomba, seront nommés à la Cour de cassation. Ils se retrouvent dès lors dans un des 5 cas d’incompatibilité énumérés dans l’article 31 de la loi citée ci-haut. L’article 34 de la même loi octroie huit jours aux juges nommés à d’autres fonctions de lever l’option. Curieusement, Ubulu et Kilomba n’ont jamais usé de ce délai légal. Mieux, Ubulu a signé comme Président de la Cour de cassation sur la notification de sa nomination.

Sentant le mal venir, le FCC a crié à l’inconstitutionnalité de ces ordonnances. Sauf que pour pareilles accusations, c’est justement la même Cour qui devrait statuer. Malheureusement avec 6 juges, impossible de siéger. Seule issue, obliger le Président à rapporter ces ordonnances. Cela passe notamment par la non-tenue de la prestation de serment de trois nouveaux. Contrairement aux autres juridictions, les membres de la Haute cour sont « présentés à la Nation, devant le Président de la République, l’Assemblée Nationale, le Sénat et le Conseil Supérieur de la Magistrature représenté par son Bureau » (Cf article 10 de la loi ci-haut cité).

Le FCC a donc trouvé son astuce pour capoter la cérémonie : ne pas l’organiser. Malheureusement, c’était sans compter sur la détermination de Fatshi d’en découdre. Plusieurs fois taxé de « marionnette » et de « pantin », l’homme semblait être décidé à récupérer une « portion » de son indépendance, même au prix du clash. Finalement, les juges ont prêté serment et il les a reçus. Désormais, si le Parlement veut faire tomber le Président, il doit se tourner vers cette Cour, composée à 33% de personnes qu’il n’a pas voulu cautionner.

Dissolution ou recomposition

Avec une partie de son indépendance en poche, le président ne semble pas vouloir s’arrêter en chemin. Les prochaines étapes de sa quête de liberté passeront notamment par l’Assemblée nationale et la CENI. Pour le second cas, Malonda est indésirable. C’est là l’un de rares points qui met d’accord CACH et Lamuka. Soutenu par le FCC, l’actuel secrétaire exécutif de la Centrale électorale a déjà perdu le soutien de 3 des 6 confessions religieuses qui le soutenaient. Il ne lui reste plus que l’Eglise orthodoxe, l’Armée du salut et l’Union des églises indépendantes.

Quant à l’Assemblée nationale, des voix s’élèvent pour réclamer sa dissolution. Pas sûr que le président ne prenne un tel risque car les deux conditions de ce cas de figure (crise entre le gouvernement et le Parlement ainsi que la convocation d’un nouveau scrutin dans les 60 jours) ne sont pas réunies. L’autre possibilité est de recomposer une nouvelle majorité. Ici encore, difficile pour le Président d’arriver à ses fins. Aucune majorité n’est possible aujourd’hui sans l’apport des regroupements du FCC. Somme toute, cette victoire de Fatshi ne sera donc pas la fin de la coalition mais une possible redéfinition des rapports de forces au sein du FCC-CACH, en attendant le dynamisme de la politique RD-congolaise.

Dandjes Luyila

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