RDC : Kamerhe, du purgatoire au paradis ?

Article : RDC : Kamerhe, du purgatoire au paradis ?
Crédit: Wikimedia Commons
24 juin 2022

RDC : Kamerhe, du purgatoire au paradis ?

C’était dans l’air ! La rumeur s’est confirmée jeudi 23 juin en début d’après-midi. Vital Kamerhe est acquitté en appel, après une saga judiciaire qui aura tenu toute la République en haleine durant plus de 2 ans. Celui qui était brandi comme le trophée de l’État de droit prôné par le Président Tshisekedi recouvre une liberté qu’il n’avait pas totalement perdu en soit. L’homme, ragaillardi, peut même occuper de nouveau un poste politique. Totalement blanchi, Kamerhe sera peut-être le prochain élément-clé du système « Union sacrée ». Les voyants sont très au vert.

« Je disais à ma femme que la messe était dite » et « tu n’échapperas pas ». Ces deux phrases résument le premier épisode du procès dit « cent jours » au tribunal de grande instance de Kinshasa/Gombe. Ces deux déclarations, l’une de Kamerhe, principal prévenu dans l’affaire, et l’autre du bâtonnier Coco Kayudi alors avocat de la République, ont jeté les dés de ce qui allait être arrêté quelques jours plus tard par le juge : 20 ans de travaux forcés pour Kamerhe, reconnu coupable de détournements des fonds destinés entre autres à l’acquisition des maisons préfabriqués à installer au Camp Colonel Tshatshe de Kinshasa.

Avec l’ancien directeur de cabinet du président, le libanais Sammih Jammal et l’agent à la présidence Jeannot Muhima ont également été condamnés. Dans cette saga digne des séries policières américaines, l’opinion avait trouvé un symbole fort de la détermination du président Tshisekedi à instaurer l’État de droit et mettre fin à l’impunité. Après tout, si le chef de l’État n’a pas épargné son propre Dircab, qui pourrait échapper aux mailles d’une justice qui retrouvait alors ses galons ?

Le procès 100 jours aura également marqué l’histoire par des rebondissements à tout va. Du décès du juge Yanyi à la nomination de l’un des avocats de la République à la Cour constitutionnelle, le suspense sur les dessous des cartes de ce « procès-école » reste entier, même 2 ans après.

Du « détournement intellectuel » à l’absence des preuves

Pour « crucifier » Kamerhe, l’avocat de la République, Me Dieudonné Kaluba Dibwe, avait usé d’un concept ingénieux : détournement intellectuel. Kamerhe, bien qu’absent de la chaîne de détournement décrié, était bel et bien le cerveau de cette œuvre. Entre sa parole et celle du prévenu, le tribunal a fait son choix, selon son « intime conviction ». Sans preuve matérielle, il a donc condamné Kamerhe à 20 années de détention, en plus de le priver de ses droits civiques et politiques. Cette sentence a été revue à 13 ans après appel interjeté.

Près de deux ans après cette réduction de peine, la même Cour d’appel, cette fois-ci recomposée après un arrêt en cassation, a conclu qu’il y avait absence de preuves. Qu’est-ce qui a changé entre 2020 et 2022 ? Personne ne saurait le dire. Toujours est-il que Kamerhe, tel un bon phénix, est ressuscité de ses cendres.

Mieux, le « pacificateur » peut se targuer d’être une sorte de « Haman » de la Bible. Sans bouger le petit doigt, un concours de circonstances semble avoir vengé le président de l’UNC de ses bourreaux d’hier. Le juge Yanyi est mort mystérieusement et le tirage au sort a eu raison de Dieudonné Kaluba. Seul bémol, Marcellin Bilomba, l’homme aux 50 notes techniques est toujours là mais pour combien de temps encore, quand on sait qu’un coup de balai du cabinet du président est imminent ?

Kamerhe, lui, se dresse, selon plusieurs sources bien renseignées, un boulevard vers le Palais de l’avenue Roi Baudouin. Celui qui, en 2018, avait promis d’offrir le pouvoir à Tshisekedi en contrepartie du poste de Premier ministre pourrait enfin voir son rêve se réaliser. Comme quoi, « on ne bouffe pas du Kamerhe ».

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